Les ailes de la pluie – Partie 1

Partie 1 : Faux départs

Petit Saut. Ce lac artificiel qui arbore à jamais les cicatrices de son inondation. Cette trouée béante au cœur de la forêt amazonienne. J’y ai pu faire mes premières observations de boa canin, de cabiais et de bien d’autres d’espèces. A l’époque, c’était Stéphane qui m’emmenait et me faisait découvrir ce coin magnifique. J’y ai trouvé un havre. Pour moi, pour les animaux. Ce labyrinthe d’îles et de petites criques cache en son sein de nombreux petits paradis, autant d’Édens encore préservés et quasiment vierges. Régulièrement, en effet, nous trouvons la trace de l’occupation ancienne des amérindiens. Des polissoirs, des végétaux caractéristiques. Mais souvent nous avons exploré des journées entières sans y croiser d’autres primates que des groupes de singes.

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Arbre en fleur sur le lac

Deux années ont passé depuis ma dernière réelle échappée sur Petit saut. Je me devais d’y retourner, mais aussi d’y emmener Vincent, à qui j’en avais tant parlé. De ces coins, des ces observations, de cette faune… A mon tour. De permettre à d’autres yeux de découvrir les merveilles que l’homme et la nature ont rendu accessible sur ce lac. Finalement, c’est à cinq que nous partons, et pour quatre jours. Max’, Antoine, Vins’, Elo et moi. Du vendredi au lundi. Nous montons donc au carbet du labo d’Hydreco, au pied du barrage pour y attendre Vincent & Elo, coincés sur Kourou par des impératifs professionnels. Nous décidons donc, de passer la nuit au carbet pour être tôt demain matin sur le plan d’eau, plutôt que de partir tard sur le lac et de risquer de se faire surprendre par l’obscurité.

L’ambiance est à l’humidité, alors que le ciel, frustré de n’avoir pas su mettre fin plus tôt à la petite saison sèche libère soudainement ses flots torrentiels depuis la veille. Nous passons la soirée avec quelques chercheurs venus de Bruxelles et de Toulouse pour étudier les termites. La pluie qui tombe toujours sans discontinuer me pousse à proposer à tout le monde une petit sortie herpéto sur la route. Mais hélas nous avons beau arpenter les kilomètres, nous n’en voyons pas la queue d’un seul. Par contre les grenouilles se jettent littéralement sur nous.
– Serpent ! Serpent s’écrie un chercheur belge ! Nous nous précipitons mais le Pseudoboa écarlate que j’identifierai grâce à la description du scientifique s’est déjà enfuit.

scinax boseman 02
Scinax boesemanni

Nous décidons de pousser jusqu’à l’ancienne base vie (1) où la forêt reprend sereinement ses droits sur les constructions humaines. Ce qui était autrefois une route et conduisait jusqu’à un terrain de foot est devenu un étroit tunnel au milieu de la végétation. J’ouvre la marche tranquillement. Le faisceau de ma frontale balaie le mur végétale. (2). Soudain s’allument deux yeux brillant. Au loin. J’accélère. J’allume l’appareil. Je distingue la forme de l’animal et ralentit. Mon coeur bât la chamade. Le mammifère ne traîne pas et disparaît furtivement dans l’obscurité du sous-bois. Je me retourne mais les autres sont un peu distancés. Je leur demande s’ils ont vu comme moi ! Le puma qui vient de traverser la piste ! Mais occupés à scruter autour d’eux à la recherche d’un ophidien, personne n’a fait attention à ce qui se trouvait devant. Je ne réalise pas encore ce que j’ai vu. L’arrière train de l’animal bien ancré dans ma tête. Mon premier grand félin observé en liberté.

Vincent et Elo nous rejoignent quelque temps plus tard et sauvent la face de l’herpétologie en nous montrant le jeune Boa constrictor qu’ils ont découvert un peu plus loin.

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La nuit est pluvieuse et le réveil sonne bien trop vite au gout de tout le monde. Mais nous voulons être le plus tôt possible sur le plan d’eau pour mettre un maximum de chance de notre coté afin d’observer l’avifaune. En particulier toucans et aras. Nous chargeons rapidement la pirogue en prenant garde à bien protéger les affaires des précipitations. C’est enfin l’heure du départ. Un mélange d’appréhension et d’excitation au fond de moi. Ce n’est pas rien d’emmener un groupe de personnes en pleine jungle amazonienne, loin de tout. Heureusement que Maxence, Elo et Vincent connaissent eux aussi très bien la forêt. Mais surtout, est ce que je vais retrouver les coins comme je les avais laissés avec Steph’ il y a deux ans ? Les sites de campement seront-ils toujours intacts ? les criques seront-elles toujours sauvages et non fréquentées ? Je sais que nous étions les seuls à aller dans certains endroits, du coup très préservés de l’influence anthropologique souvent néfaste … Des dizaines de questions viennent affleurer mes pensées, et en même temps, règne l’intense satisfaction de pouvoir à nouveau y retourner.

Je suis ramené très vite sur terre. le moteur ne veut pas démarrer. Nous avons beau nous relayer pour tenter de le faire vrombir, mais sans succès. L’incertitude de la mécanique pourtant bien huilée, comme un rappel. Même en ayant tout planifié, rien ne dit que cela se passera comme prévu.


1 – Un petit village avec un terrain de foot avait été construit pour les ouvriers lors de la création du barrage de petit saut, de 1991 à 1994


19 réflexions sur “Les ailes de la pluie – Partie 1

    1. Hey !!
      Merci encore pour tes passages réguliers 🙂 Et merci pour ton partage. Oui dans quelques mois il y aura surement quelques articles où Jérome apparaîtra et inversement sur son blog, ça risque d’être très chouette 🙂
      Amitiés,
      Audric

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      1. Bonsoir Audric,
        Tu es le bienvenu aussi « chez moi », quand tu veux ! 😉
        Les amies blogueuses de FB (oui, majoritairement féminin .. même si quelques représentants masculins ;-)) ont aimé ton article. Si tu étais sur FB, tu aurais pu également pu voir les photos que j’ai prises aujourd’hui et partagées.
        A bientôt pour la suite… et d’autres belles photos.
        Catherine
        PS : au fait, il fait beau en Guyane actuellement ?

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      2. Actuellement, c’est l’hiver ici. 25-26 degrés la nuit et beaucoup de pluie. Mes élèves viennent avec manteau et bonnet au collège (pour de vrai ^^ )
        Je suis sur FB pour le coup, comment je te trouves ?
        Et sinon, je prendrai le temps de commenter, mais je vais faire de temps en temps un petit tour par chez toi 🙂 j’aime ton approche analytique de l’art et des couleurs qui t’entoure. les street art nantais me rappellent quand je déambulait dans ces rues il y a quelques année lorsque j’étudiais à rennes. Merci pour ça 😉

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      3. Bonsoir Audric,
        L’hiver à 25/26 degrés.. mais oui, j’avais presque oublié ! 😉
        Voici le lien vers ma page FB : https://fr-fr.facebook.com/people/Catherine-CuriousCat/100012261285712
        A bientôt, j’espère ! 🙂
        Belle soirée et bon week-end.
        Cat
        PS : j’ai en réserve des photos de street-art (dont certains graffitis fantastiques). Je ne le publierai que lorsque j’aurai écrit mon article, en essayant de proposer un autre angle de vue pour que chacun puisse y trouver son compte et que cela ne soit pas qu’un partage de photos, si sympathiques soient-elles ! 🙂

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  1. Ces faux départs ont tout d’un bon départ sur mon écran, très chouette récit qui donne vraiment envie, on s’y croirait ! L’arbre en fleurs au milieu de cette forêt de troncs fatigués, superbe… et la scinax splendide avec ses étoiles plein la bouille 🙂
    Merci pour le partage Audric.
    Amitiés
    Seb

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